Voici par quelques mots, des nouvelles, ma mère,
De mes vacances chez mes deux cousins germains.
Deux garçons bien gentils, plus sages que mon frère,
M'amenant à confesse en me prenant les mains.
Au retour nous allons, en quittant la charmille,
Dans un touffu buisson où l'on se déshabille.
Suivant votre conseil, en habit du dimanche,
Je prends garde à ne point salir ma robe blanche.
Mes cousins ont trouvé, pour faire ma conquête
Un jeu que l'on apprend en une ou deux leçons.
On ne peut y jouer qu'avec la belle bête
Qui se dresse d'un nid, chez les jeunes garçons.
Un drôle d'animal n'ayant aucune patte
Et qui bondit, joyeux, quand des doigts, je le flatte.
Suivant votre conseil, en habit du dimanche,
Je prends garde à ne point salir ma robe blanche.
Ils sont des plus mignons, avec rien qu'une bouche
Bien petite d'ailleurs et n'ayant pas de dents.
Si ma lèvre les bise et ma langue les touche,
Je les vois se dresser, les petits imprudents.
Vous savez mon amour pour toutes les espèces,
Alors imaginez mes torrents de caresses.
Suivant votre conseil, en habit du dimanche,
Je prends garde à ne point salir ma robe blanche.
Mais attendez un peu que je dise la suite
Vous verrez que nos jeux sont des plus ingénus.
Mes cousins m'ont appris pour éviter la fuite
Des rougeauds animaux qu'on expose ainsi nus,
Qu'il convient d'abriter leur corps de la lumière
En offrant à chacun une douce chaumière.
Suivant votre conseil, en habit du dimanche,
Je prends garde à ne point salir ma robe blanche.
Alors, pour appliquer vos leçons si parfaites,
Comme quoi l'on se doit d'assister ses voisins,
J'offre de doux logis aux bêtes satisfaites
De ne plus inquiéter mes si gentils cousins.
J'enfouis un animal dans ma petite fente
L'autre prend le dernier abri qui se présente.
Suivant votre conseil, en habit du dimanche,
Je prends garde à ne point salir ma robe blanche.
Ma mère, il vous faudra, ça je vous en conjure,
Essayer d'héberger ces remuants moineaux.
Ils ne cessent les sots, dans une démesure,
D'entrer et de sortir comme deux chemineaux.
Mes cousins ont du mal à tenir leurs gerbilles
Pendant que je m'échine à tendre mes bastilles.
Suivant votre conseil, en habit du dimanche,
Je prends garde à ne point salir ma robe blanche.
Nous prenons grand plaisir à nous frotter le ventre,
Car les chers animaux procurent un frisson
Quand l'un sort à moitié tandis que l'autre rentre
Avant de ne pleurer, les deux à l'unisson.
Ils quittent mes terriers, leurs pauvres mines flasques,
Essoufflés, les pauvrets, d'avoir fait tant de frasques.
Suivant votre conseil, en habit du dimanche,
Je prends garde à ne point salir ma robe blanche.
Nous rentrons gentiment pour retrouver ma tante
Attendant en lisant dans le petit salon.
Elle m'a fait savoir, la nouvelle excitante,
Que la cousine Aline arrive de Chalon.
Il me faudra selon votre très bel adage :
« N'en prendre que moitié pour offrir en partage. »
Suivant votre conseil, en habit du dimanche,
Je prends garde à ne point salir ma robe blanche.