Le navire enivré danse dans la furie
Et vomit aux sabords les flots bleus qu'il charrie.
Le ciel lance un éclair sur le mât d'artimon
Qui fait trembler la foi, les cœurs et le timon.
A l'assaut du mur d'eau le bateau se redresse,
Comme un preux chevalier face à la forteresse,
Mais la houle verdâtre élève son rempart
Qui lui brise l'élan butant sur son épart.
Le bosco choit dans l'onde où les requins maraudent
En attendant l'instant que des hommes clabaudent.
Il disparaît sitôt dans un ventre affamé
Et l'écume rougit du festin consommé.
Le vent hurle à la mort dans les lambeaux de voiles
Et décroche du ciel les dernières étoiles.
Les rafales en meute abattent le gréement
Et rompent le grand mât dans un cri de dément.
La lame bat l'esquif de cinglantes taloches
Cherchant à la drosser sur de mortelles roches.
L'équipage aux yeux fous implore le Seigneur
Et le saint Mathurin, le patron du pêcheur.
Le calme enfin revient, le vent se change en brise,
L'océan se fait d'huile et sa vague agonise.
Le trident à la main, laissant ce myrmidon,
Passe le roi des eaux, le grand Poséidon.