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9 septembre 2014 2 09 /09 /septembre /2014 09:48

La chapelle, encadrée par un ciel d’azur immaculé, sentait ses vieilles pierres se réchauffer sous un soleil printanier qui diffusait également ses bienfaits aux futures moissons encadrant l’édifice. Ce dernier, de style roman, à la toiture verdie par une mousse centenaire, couronnait un mamelon sur lequel un sentier caillouteux serpentait pour atteindre son minuscule parvis. Suant, peinant, les dévots et les pèlerins gravissaient la pente en s’encourageant par des cantiques. C’était jour de procession. Sur le parvis un groupe précédemment arrivé regardait monter la chenille bruyante et multicolore qui suivait le porte-bannière. Après un dernier effort, les deux groupes finirent par se rejoindre et se fondre l’un dans l’autre pour échanger politesses et quelques bavardages. Le curé de la paroisse, vieillard affable, heureux de voir tant de monde sautait de l’un à l’autre pour déverser des torrents de remerciements et inviter les marcheurs à venir trouver un peu de repos dans la chapelle avant l’office qu’il allait célébrer. Les pèlerins, essoufflés par l’ascension, acceptaient avec plaisir de pénétrer dans le lieu saint afin d’y trouver une fraîcheur réparatrice et un banc pour s’y assoir. Doucement, le vase communicant entre parvis et chapelle s’activa.

C’est alors qu’ils se rencontrèrent. Lui, grand, brun, mince, la trentaine séduisante et elle, gracile, les pommettes roses et des doigts fins de pianiste. Leur croisement de regards provoqua chez chacun d’eux un cataclysme intérieur difficilement contrôlé. Personne ne remarqua quoi que ce soit. Elle sentit les battements de son cœur s’accélérer et presque instinctivement elle porta la main à son niveau comme pour tenter de l’apaiser. Au même instant, il ressentit des serres de rapaces se refermer sur le sien et abaissa lentement les paupières sous l’effet du choc. En les rouvrant, son regard replongea dans le torrent bleu qui baignait les yeux posés sur lui. Autour d’eux le monde était devenu cotonneux, le brouhaha qui, il y a deux secondes encore couvrait les chants d’oiseaux, n’était plus qu’un son étouffé. Une bulle imperceptible venait de les envelopper dans un silence reposant. D’un regard à l’autre, une balancelle invisible voguait pour transporter de troublants sentiments faisant frémir leurs épidermes. Ils ne firent aucun geste l’un envers l’autre, ils demeuraient statufiés par cette onde tout autant bienfaitrice que ravageuse. Elle nota le léger frémissement de ses ailes de nez, il remarqua la couleur pourpre qui prenait possession de ses joues rebondies. Elle vit ses lèvres tressaillir sans savoir si c’était sous l’effet d’une émotion ou pour lancer au ciel un vœu. Il découvrit le léger tremblement agitant ses doigts si fins qu’elle ne put contrôler qu’en joignant les mains. Les pèlerins, comme dans un décor féérique, semblaient se mouvoir au ralenti. Le vieux curé, coiffé de sa barrette, n’était plus qu’une tache noire dansant dans la lumière argentée irradiant un fond de scène. Le temps faisait la pause et chaque parcelle de seconde leur semblât s’étirer comme un long ruban de nuages d’automne figés dans le ciel. Le printemps jouait sur eux de tous ses artifices et les irradiait de sa grâce généreuse. Aucune parole ne fut échangée, seul le chant d’un rossignol leur fut perceptible et les notes clairs qu’il contenait étaient porteuses de toutes les épithètes qu’ils auraient pu s’échanger. Le parvis se vidait et ils ne furent plus que quelques-uns à rester sous les rayons tièdes d’un soleil toujours aussi généreux. Pour eux deux, la chaleur envahissait bien leurs êtres mais provenait en grande partie d’un feu intérieur qui les consumait en silence. Á peine trois secondes venaient de s’écouler du sablier depuis leur premier échange de regards.

Positionnant ses bras à l’horizontale, comme un Christ en Croix, le curé fit se rapprocher les derniers paroissiens de l’entrée de la chapelle et c’est quand le vieil homme les effleura qu’ils revinrent dans ce monde si douloureux. Le curé disparut ensuite dans la bouche béante et noire de la chapelle accompagné par quelques pèlerins. Á cet instant le ciel d’un bleu pur, comme pour faire savoir qu’il avait pris connaissance de cette rencontre inattendue, laissa apparaître subitement un éclair argenté accompagné d’un grondement grave et bref.

Alors, retrouvant le vieux réflexe de la société séculière qu’il avait quittée, le père Daniel, par courtoisie, invita sœur Anne-Marie à le précéder dans la chapelle.

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commentaires

C
<br /> Sentiments entre personnes d'église, comment pourraient-ils y échapper, ce sont des humains et ne sont pas immunisés contre les bouleversements émotionnels et sentimentaux.<br /> <br /> <br /> Un cadre bucolique décrit d'une façon très poétique, nous voyons la chapelle romane et ses pierres qui respirent, ainsi que la chenille humaine gravissant le sentier péniblement mais avec ferveur<br /> grâce aux cantiques.<br /> <br /> <br /> Bonne semaine, bisous et bon anniversaire avec une quinzaine de jours de retard, désolée. Mieux vaut tard que jamais, surtout pour une telle dizaine <br />
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